TDAH et agenda numérique

Vivre avec le TDAH, c'est un peu comme jongler avec un cerveau constamment en mode multitâche, où même les notifications des agendas numériques ne parviennent pas à capter notre attention. Si les applications modernes nous laissent souvent dans le flou, l'agenda papier devient un outil simple et rassurant. Ce n'est pas une question de volonté, mais bien de biologie : certains outils sont tout simplement faits pour d'autres cerveaux.

Si vous vivez avec le TDAH, vous avez sûrement déjà entendu : "Tu vas voir, ça va t'aider, c’est plus pratique, c’est plus organisé !". Beaucoup de gens vous diront que l’agenda numérique est la solution miracle. Alors, je me suis dit : pourquoi pas ? J’ai essayé. Vraiment. Et à chaque fois, ça a été un échec. On dirait un remake de mes tentatives pour devenir sportive. J’essaye, vraiment. Mais non : échec, et retour à la case « chocolat devant la télé ».

Pourquoi ? Parce que, avec le TDAH, certaines méthodes d’organisation – comme l’agenda numérique – ne sont tout simplement pas adaptées à la manière dont fonctionne notre cerveau. Et ce n’est pas une question de "vouloir" ou de "ne pas vouloir". C’est une question de fonctionnement neurologique.

Je vais vous parler un peu de mon expérience.

Mon mari, lui, utilise son agenda numérique à la perfection. Tout est bien rangé : chaque rendez-vous est notifié à la seconde près. Mais moi ? C’est une autre histoire. J’ai beau recevoir toutes les notifications du monde, je n’y réagis pas, elles sont comme un bruit de fond, comme le bruit du réveil un dimanche matin. En fait, elles m’agacent, m’angoissent, mais ne m’incitent pas à agir. Je les ignore souvent, même quand elles me rappellent des tâches simples comme sortir les poubelles ou nourrir les chiens. J’ai même parfois l’impression que les agendas sont en compétition avec mes chiens pour savoir qui peut me rendre la plus folle.

Le TDAH, c’est un peu comme vivre avec un cerveau qui a un tas de fenêtres ouvertes en permanence. Impossible de se concentrer sur une seule tâche sans être distrait par une autre. Cette "instabilité attentionnelle" est au cœur du TDAH. Notre cerveau a du mal à se focaliser de manière durable sur une tâche ou un objectif, et il est aussi constamment dérangé par les distractions externes. Ça, c’est ce que la science appelle la "dysrégulation de l’attention". Du coup, quand une notification apparaît, même si c’est important, notre cerveau s’intéresse à autre chose, et l’alerte numérique devient juste un autre bruit dans l’arrière-plan. C’est la même chose pour les tâches simples : elles se perdent dans une sorte de brouillard mental.

Les recherches en neurobiologie montrent que cette difficulté à gérer l’attention n’est pas une question de paresse, de manque de motivation ou de discipline. C’est tout simplement une différence dans la façon dont certaines zones du cerveau fonctionnent chez les personnes atteintes de TDAH, en particulier le cortex préfrontal. Cette région, qui est impliquée dans la prise de décision, la planification et le contrôle des impulsions, a souvent un fonctionnement moins optimal chez les personnes TDAH. Cela signifie que des tâches qui devraient paraître simples, comme répondre à un message ou suivre un agenda numérique, deviennent beaucoup plus compliquées. L’agenda numérique ne nous aide pas puisqu’il repose sur l’idée que l’on peut se concentrer sur une liste de rappels et de notifications. Et ça, c’est la galère pour ceux d’entre nous qui ont le TDAH qui sont comme des poissons à qui on demanderait de monter à vélo.

C’est là qu’entre en jeu l’importance du support papier. Quand j’utilise un agenda en papier, c’est plus qu’un simple outil d’organisation : c’est un espace que je contrôle. Je peux écrire, entourer, rayer, visualiser ma journée d’un seul regard. Mon cerveau réagit mieux à cette approche visuelle et concrète. L’agenda papier ne me bombarde pas de notifications, ni de rappels. Il m’offre un cadre stable et rassurant, ce qui me permet de mieux gérer mon attention et mes priorités. Et ce n’est pas juste une préférence personnelle, c’est une question de style cognitif. Un support visuel et physique permet de mieux ancrer l’information dans la mémoire. Cette forme d’organisation, qui donne une vision globale de la journée, m’aide à réduire les distractions. Je peux tout voir en un coup d’œil, sans être dérangée par des alertes.

Le problème avec les méthodes numériques, c’est que, pour quelqu’un avec le TDAH, elles reposent sur une capacité à maintenir une attention soutenue sur des alertes et des notifications – ce qui est précisément ce qui nous échappe. La science nous dit que le cerveau des personnes qui sont touchées par le TDAH présente une activité moins soutenue dans les circuits neuronaux liés à la gestion de l'attention et de la mémoire de travail. Cela implique qu’une simple notification sur un téléphone devient une distraction de plus, au lieu de nous aider à nous concentrer sur ce qui est important. Le cerveau, plutôt que de se concentrer sur la tâche à accomplir, est constamment en train de sauter d’un point à un autre, rendant la concentration durable quasi impossible. En bref, l’art de faire un régime quand on vous jette des pizzas et du chocolat au visage.

Alors, la prochaine fois qu’on vous dira que "c’est juste une question de volonté", vous pourrez répondre que non. Ce n’est pas une question de motivation. Ce n’est pas une question de "faire l’effort". C’est une question de biologie. Dans la manière dont notre cerveau est câblé pour fonctionner, certaines méthodes d’organisation, comme les agendas numériques, ne tiennent pas compte de cette réalité neurobiologique. Ce n’est pas que nous ne voulons pas être organisés. C’est que notre cerveau ne peut pas fonctionner de la manière dont ces outils numériques l’exigent.

Si le numérique ne fonctionne pas, il n'y a aucune honte à revenir à des méthodes plus simples et plus adaptées. Si l’agenda numérique ne vous parle pas, ne vous forcez pas. Trouvez ce qui fonctionne pour vous – et surtout, ne vous culpabilisez pas de ne pas faire comme tout le monde. Parce que ce qui est important, c’est de trouver un système qui vous aide à avancer, pas un système qui vous stresse.

Et si vous trouvez une méthode qui fonctionne, on se revoit dans quelques années quand tout le monde sera passé à l’agenda en réalité augmentée… moi je serai toujours là avec mon bon vieux carnet papier.